L’engagement est une problématique managériale bien connue des dirigeants. Utiliser la méthode scientifique pour comprendre ses moteurs et évaluer les effets de la motivation sur la performance des collaborateurs est un atout pour les entreprises. Démonstration avec l’enseignant chercheur Stéphane Thion, responsable du programme Executive DBA (Doctorate of Business Administration) de TBS Education.
Stéphane Thion le sait : le monde académique et le monde de l’entreprise ont souvent du mal à se comprendre. « Les praticiens reprochent souvent aux chercheurs le manque de pertinence pratique de leurs travaux, leur manque de clarté », pose-t-il en préambule. Pourtant, l’apport du monde académique, et notamment des méthodes utilisées par les chercheurs pour réaliser leurs travaux, permettent de mobiliser les connaissances les plus récentes dans un domaine, de les remettre en question, mais aussi de contribuer à l’évolution de cette connaissance. « La maitrise de ces compétences donne accès à l’immense littérature scientifique, que l’on peut analyser et utiliser. La maitrise de la méthode scientifique permet in fine d’améliorer les processus de décision dans le monde de l’entreprise », affirme l’enseignant-chercheur, responsable du programme.
Le directeur du programme Executive DBA (Doctorate of Business Administration) propose aux managers et aux dirigeants de se former à cette méthode, pour prendre des décisions stratégiques éclairées. « Prenons par exemple la motivation des commerciaux, leur engagement et le résultat de cet engagement. La première étape de toute méthodologie scientifique est de bien préciser la problématique : ici, il s’agit évaluer les effets de l’engagement des commerciaux sur leur performance afin de comprendre les moteurs de cet engagement », explique-t-il. Ainsi la problématique se décompose-t-elle en deux questions précises : dans quelle mesure les différentes motivations du commercial contribuent à son engagement ? Dans quelle mesure l’engagement du commercial contribue-t-il à sa performance ?
La première étape franchie, on mobilise un « cadre théorique » : on réalise une « revue de littérature » qui recense l’état des connaissances sur le sujet. « Il existe une théorie expliquant les effets des différentes motivations sur l’engagement, la théorie de l’évaluation cognitive, que l’on doit à deux chercheurs en psychologie, Deci et Ryan », partage Stéphane Thion. Cette théorie nous enseigne que les récompenses, une forme de motivation extrinsèque, peuvent saper le principal moteur de l’engagement qu’est la motivation intrinsèque.
La deuxième étape est donc de vérifier le bien-fondé de cette théorie dans un contexte spécifique. Un questionnaire a donc été soumis à un échantillon international de 224 managers, commerciaux, business développers et consultants. Les résultats obtenus confirment que, sur cet échantillon, le principal moteur est la motivation intrinsèque, c’est-à-dire le fait de s’engager dans un travail pour le plaisir. La motivation extrinsèque, c’est-à-dire les récompenses, et la motivation introjectée, c’est-à-dire le fait de s’engager pour être reconnu (réputation, implication de l’ego), y contribuent aussi, mais à moindre échelle. Le dernier résultat est des plus intéressant car il confirme que la motivation la plus externalisée -s’engager dans un travail pour des incitations monétaires- n’a pas d’effet significatif direct sur l’engagement, alors qu’elle a un effet négatif sur la performance. Cette théorie, jusque-là peu mobilisée dans ce contexte, est confirmée.
Troisième étape : creuser les données et répondre ainsi à de nouvelles questions. Par exemple : les motivations agissent-elles de façon différente sur l’engagement de l’homme par rapport à celui de la femme ? « Il semblerait que non, les différences n’étant pas « significatives ». En d’autres termes, le moindre effet de la motivation extrinsèque observé dans cet échantillon pour les femmes ne serait pas « statistiquement significatif ».
« La méthode scientifique permet de donner une vision claire d’un phénomène dans un contexte particulier : dans cet exemple il s’agit de comportements de commerciaux de plusieurs entreprises. La puissance du modèle ainsi constitué permettra par la suite de faire du prédictif. Par exemple, quels résultats puis-je espérer si j’agis sur tel levier ? », poursuit l’enseignant chercheur.
Un des objectifs de l’Executive DBA de TBS Education est ainsi de contribuer à la réduction du fossé creusé entre le monde de l’entreprise et celui de la recherche. « La fusion du savoir scientifique et des acquis de l’expérience contribue à créer des profils rares, à même d’affronter les nouveaux enjeux. Ils forment probablement les compétences clés de demain », conclut Stéphane Thion.