[su_pullquote align=”right”]Par Geneviève Cazes-Valette[/su_pullquote]
Les Français sont de grands amateurs de viande : ils en ont consommé 88,7 kg en 2011, contre une moyenne mondiale de 42 kg. Cette consommation de viande de boucherie (hors charcuterie et plats cuisinés) marque cependant le pas depuis 1998. Et il fait peu de doute que les récentes annonces de l’OMS quant à l’incidence avérée ou probable de la consommation de charcuterie et de viande rouge sur la santé vont encore accélérer le processus de baisse déjà enclenché.
À travers une récente étude menée auprès de 500 personnes de 15 ans et plus, représentative de la population française (1), conduite online avec le panel Toluna du 29 mai au 1er juin 2015, nous (2) avons cherché à mieux comprendre les comportements passés, présents et prévus dans l’avenir en matière de consommation carnée, quelle qu’en soit la forme (brute ou transformée).
Nos données – déclaratives – corroborent les tendances énoncées plus haut et mentionnées par d’autres études. Les Français apprécient la viande : ils sont près de 24 % à en manger au moins une fois par jour, 34 % tous les jours ou presque, 33 % plus d’une fois par semaine et seulement 7 % plus d’une fois par mois. Quant aux végétariens déclarés, ils ne sont que 2,4 %.
La tranche d’âge des 15-24 ans se caractérise par des comportements extrêmes : ils sont 30 % à manger de la viande au moins une fois par jour, et près de 10 % à être végétariens (ou végétaliens). À l’opposé, les 50 ans et plus affichent des comportements plus nuancés : seulement 18 % d’entre eux mangent de la viande au moins une fois par jour, mais ils sont moins de 1 % à être végétarien. En termes de genre, la viande est clairement virile : les femmes en consomment moins souvent et la grande majorité des végétariens sont des végétariennes. Au niveau des catégories socioprofessionnelles, trois groupes se distinguent nettement : les cadres et professions intellectuelles supérieures par une surconsommation, les retraités par une plus faible fréquence et les personnes sans activité professionnelle par un taux de végétarisme plus élevé.
Les Français ont toutefois revu leur consommation à la baisse au cours des trois années précédentes : si 45 % déclarent n’avoir rien changé à leurs habitudes, seulement 8,4 % disent avoir augmenté leur fréquence de consommation, contre 46,6 % qui l’ont diminuée. Si l’effet sur la baisse des quantités globales de viande consommée n’est pas aussi intense que ces chiffres pourraient le laisser présager, c’est parce que les personnes ayant diminué leurs apports carnés s’observent plus souvent parmi les consommateurs moyens à faibles (ceux qui consomment seulement plus d’une fois par semaine ou par mois).
Les plus de 50 ans, les femmes et les retraités sont plus nombreux à avoir baissé leur consommation. À contrario, ceux qui l’ont augmentée figurent chez les moins de 35 ans, les hommes, les cadres et les employés. À noter toutefois que les 15-24 ans se caractérisent, comme déjà évoqués, par des comportements contrastés : plus nombreux que la moyenne à avoir accru leur consommation, ils sont aussi plus nombreux à avoir adopté le végétarisme.
Les intentions de comportement pour les trois années à venir vont dans le sens de ces résultats, tout en étant plus modérées : près de 6 % des Français projettent d’augmenter leur fréquence de consommation, 57 % de ne pas en changer et 37 % de diminuer. Globalement, les choix passés se confirmeront à l’avenir. Un gros tiers de ceux qui disent avoir augmenté leur consommation dans le passé déclarent toutefois avoir l’intention de diminuer à l’avenir, alors que seulement 5 % de ceux qui avaient diminué ont l’intention de l’augmenter. La tendance à la baisse de fréquence de consommation est donc nette et devrait se confirmer. Elle concerne surtout les femmes et les moins de 25 ans qui sont près de 10 % à manifester l’intention d’arrêter totalement de consommer de la viande, alors que, dans le même temps, les actuels végétariens de cette tranche d’âge comptent tous persister dans leur choix.
Au-delà de ces comportements, quelles sont les raisons invoquées par les répondants pour expliquer la baisse de leur consommation ou leur intention de le faire ? Les réponses sont multiples. À l’instar de l’étude publiée par Le Monde, ce sont les raisons de budget et de santé qui arrivent en tête (respectivement pour 45 et 40 % des répondants), puis la protection de l’environnement (28 %), la maîtrise de son poids (24 %), la pitié pour les animaux d’élevage (23 %) et enfin les scandales du type « horsegate » (22 %). Les diminutions prévues pour l’avenir sont, elles, d’abord liées à la santé et au budget (respectivement 48 et 39 %), puis à l’environnement et aux animaux (resp. 38 et 37 %) et enfin aux scandales alimentaires et à la maîtrise du poids (resp. 27 et 24 %).
(1) Représentativité assurée par quotas sur âge, sexe du répondant et CSP du responsable du foyer.(2) Cette étude, financée par la chaire SDSC (Sustainable Demand-Supply Chain) d’AgroParisTech (Université Paris-Saclay), a été réalisée à des fins scientifiques par G. Cazes-Valette (Toulouse Business School), P. Gurviez et L. Valette-Blanc (toutes deux Université Paris-Saclay).
Par Geneviève Cazes-Valette, Professeur de marketing, Toulouse Business School
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.