Pourquoi les réactions rapides et intuitives prennent-elles le pas sur les décisions réfléchies et logiques dans l’acte d’achat ? Quels sont les mécanismes psychologiques sous-jacents qui peuvent expliquer les choix des consommateurs ? Dans le cadre des Matinales de la Recherche de TBS, Sylvie Borau, professeur de Marketing à TBS, a tenté de répondre à ces questions à travers deux exemples tirés de ses recherches : l’influence des modèles féminins dans la publicité et le marketing genré. Elle a montré l’influence persistante de certains mécanismes psychologiques ancestraux issus de la sélection sexuelle dans le comportement des consommateurs. Un sujet qui a passionné la centaine de participants qui devraient pouvoir désormais éviter ces biais cognitifs selon l’oratrice.
Organisée sur le thème du comportement des consommateurs, la 2ème édition des « Matinales de la recherche » de Toulouse Business School a réuni plus de 100 personnes (responsables d’entreprise, enseignants, journalistes, etc.) Le format permet une réelle interaction avec le monde économique : présentation des résultats de recherche d’un enseignant-chercheur de TBS, illustration avec un grand témoin du monde de l’entreprise, temps de questions-réponses avec la salle. Un caractère opérationnel voulu par TBS pour diffuser, auprès des décideurs, la recherche en gestion de ses 91 enseignants-chercheurs : « La recherche en gestion fait l’objet de publications dans des revues académiques à forte sélection mais elle reste confidentielle hors du cercle académique. TBS déploie des actions pour accélérer l’appropriation de ses résultats par l’entreprise. Le blog TBSearch et les Matinales de la recherche en sont l’illustration », explique Denis Lacoste, directeur de la Recherche de TBS. « Mon rôle de chercheur est de comprendre les mécanismes psychologiques à l’œuvre dans les comportements irrationnels du consommateur. Il est aussi de communiquer ces résultats auprès des entreprises pour les inciter à mettre en place un marketing plus responsable et plus éthique, et également auprès du grand public pour protéger les consommateurs les plus vulnérables », indique Sylvie Borau, professeur de marketing à TBS.
La théorie de la sélection sexuelle* peut expliquer certains comportements a priori irrationnels des consommateurs : « Les femmes traditionnellement davantage investies dans le rôle parental (grossesse, rôle nourricier) se concurrencent entre elles pour des hommes capables de subvenir à leurs besoins et d’assurer la sécurité de la progéniture. D’où l’importance du pouvoir, du statut et de la force pour les hommes. Les hommes quant à eux recherchent des femmes présentant un potentiel de reproduction élevé, ce dernier étant communiqué par l’apparence physique, principal indicateur de jeunesse et de fertilité. D’où l’importance de la beauté pour les femmes ». Bien qu’archaïque, ce mécanisme est encore à l’œuvre dans l’inconscient des consommateurs. Sylvie Borau l’a expliqué dans le cadre des Matinales de la Recherche de TBS en s’appuyant sur deux exemples tirés de ses recherches : les modèles féminins dans la publicité et le marketing genré. A ses côtés, Jacques Rossi, fondateur de l’agence Cartoon a témoigné de l’importance de l’image des marques et des produits sur l’imaginaire des consommateurs, de l’impact sur leur comportement d’achats mais aussi de la variété des codes utilisés en fonction des produits, de la cible, des marchés ou des lieux de distribution. * Selon la théorie de la sélection sexuelle, les espèces développent des caractéristiques physiques visant à capter l’attention du sexe opposé (sélection intersexuelle) et à décourager les concurrents du même sexe (sélection intrasexuelle).
Abondants dans la publicité et dans les médias, les mannequins idéalisés suscitent de nombreuses controverses. Promoteurs d’un idéal corporel inatteignable, ils s’affichent sur des images souvent retouchées et engendrent des effets négatifs sur les consommatrices (comportements alimentaires déviants, impact sur l’estime de soi, etc.). Peu éthiques, ces pratiques marketing n’en demeurent pas moins lucratives et les recherches de Sylvie Borau démontrent que les solutions envisagées pour atténuer leur impact sont tenues en échec :
Selon Sylvie Borau, la persistance de la croyance des femmes aux messages erronés envoyés par la publicité est le résultat d’un mécanisme automatique de concurrence intrasexuelle, l’identification et la comparaison sociale avec les modèles féminins dans les medias activant les mêmes mécanismes que dans la vie réelle. Pour enrayer ce phénomène, elle préconise trois types d’action :
Ciblant les consommateurs de manière différenciée en fonction de leur sexe, le marketing genré est la cible de trois critiques : générer des stéréotypes, influencer le développement de l’identité des enfants et pratiquer des surcoûts injustifiés sur des produits, souvent identiques (Pink Tax). Sylvie Borau a cherché à comprendre les bénéfices procurés par les produits genrés. Ses études ont montré que les femmes qui les possèdent sont perçues comme plus attractives par les hommes mais l’inverse n’est pas vrai. L’asymétrie de ces résultats puise sa source dans la sélection sexuelle. La motivation à posséder un objet genré diffère en fonction du sexe. Pour les femmes, elle relève de la concurrence intersexuelle tandis que pour les hommes, elle emprunte probablement les mécanismes de la concurrence intrasexuelle. Les produits genrés refléteraient le dimorphisme sexuel*, une sorte de « phénotype étendu, c’est-à-dire l’extension du corps, qui reproduit nos caractéristiques physiques et comportementales ». Par les signaux inconscients qu’ils envoient, les produits genrés confèrent un bénéfice aux consommateurs prêts à les payer plus chers. Néanmoins, la conception identitaire clivante des produits genrés se heurte à l’évolution de la société, telles qu’en témoignent les lignes de produits mixtes apparues sur le marché. « A ce jour, dans aucun brief de client, je n’ai eu la mention « Faites nous un produit genré, utilisez ces leviers… » Ce sont la cible, les produits, les concurrents qui nous donnent les codes », témoigne Jacques Rossi, fondateur de l’agence Cartoon.
* Le dimorphisme sexuel est l’ensemble des différences morphologiques plus ou moins marquées entre les individus mâle et femelle d’une même espèce.
Pour assurer la diffusion des Matinales de la Recherche auprès d’un large public, TBS les propose au format vidéo. Elles sont accessibles en ligne. La deuxième Matinale de la Recherche « Le consommateur : un animal irrationnel ? » est ainsi disponible via le lien suivant :
Cliquez-ici pour voir la vidéo reportage (3 minutes) Cliquez-ici pour voir la vidéo intégrale de la conférence (1 heure)
Les prochaines Matinales de la Recherche proposeront, pour la première fois, une session à Paris. Elles traiteront des sujets suivants :
91 enseignants-chercheurs sont regroupés au sein du TBS Research Centre. Sa mission première est de produire des connaissances nouvelles pour irriguer les enseignements dispensés dans les différents programmes de TBS. Elle est aussi de privilégier une démarche de recherche qui contribue à la création de valeur pour l’entreprise et à l’efficacité des politiques publiques, dès lors qu’elles touchent à la sphère de l’entreprise. Les travaux des enseignants-chercheurs du TBS Research Centre sont présentés dans les meilleures conférences académiques et publiés dans les revues scientifiques les plus prestigieuses. Ils sont également accessibles à un large public sur tbsearch.fr, blog au service des cadres, dirigeants, analystes, journalistes économiques.
Sylvie Borau est Professeur en marketing à TBS depuis 2013. Elle est titulaire d’un doctorat en sciences de gestion obtenu à l’IAE de Toulouse. Elle a reçu pour ce travail le prix de thèse Sphinx 2014 et a été finaliste du prix AFM-FNEGE 2014. Ses thèmes de recherche portent principalement sur les bases évolutionnistes de la consommation et l’impact des pratiques marketing sur le bien-être du consommateur. Elle a participé à différents congrès en Europe et aux Etats-Unis et a publié dans Recherche et Applications en Marketing et International Journal of Advertising (in press).
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